BELLE, LA CHIENNE D’UNE VOISINE
Le jour il fait assez doux
mais les nuits sont froides. Elle hurle
à l’aube sa solitude.
Sauf si on la dérange, elle fait le guet toute la journée
devant la porte comme le fameux chien*
sur la tombe de son maître au cimetière d’Edimbourg.
Il arrive que des voisins passent
ou, quand Belle sent que la factrice arrive,
elle se met à aboyer
et à courir dans tous les sens
pour fêter le retour – mais est-ce bien elle ? –
de la maîtresse qui l’a abandonnée.
Le week-end, les enfants débarquent
et se chamaillent à qui mieux mieux.
Ils font un bruit de tous les diables
mais pas grand-chose pour la pauvre bête
ou pour leur vieille mère absente
dont l’esprit hante les lieux.
Lorsque je vais la voir – j’habite en face -,
elle me fait toujours le même accueil :
je m’ennuie à mourir, je suis en détresse,
dit et redit la queue qui s’agite puis s’assagit
alors que Belle tente de déchiffrer mon visage,
d’y chercher des nouvelles de sa maîtresse.
Même spectacle lors de la visite à l’hôpital
à une vieille dame perdue, en chemise de nuit blanche :
ses yeux embués qui ne vous voient pas,
mais qui regardent quelque part derrière vous,
elle qui essaie de se projeter à quinze kilomètres de là
et qui ne demande de nouvelles que de son chien.
Elle est là, assise, immobile, toute blanche
au bord du lit blanc dans la chambre blanche
au cinquième étage, chambre 509.
Absente, elle essaie
de ses yeux fatigués de visualiser
son seul, son fidèle compagnon.
LA BAUDUNAIS, OCTOBRE 2002
Traduit de l’anglais par Jean-Yves Le Disez
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*Ce chien (« Greyfriars Bobby ») est resté célèbre à Edinbourg pour avoir monté la garde sur la tombe de son maître pendant quatorze ans, jusqu’à sa propre mort en 1872. Il a aujourd’hui sa statue dans la ville. (N. d. T.)
Note Brittopedia
Avec l’aimable autorisation de l’auteur et de la revue hopala! où cette traduction (accompagnée de l’original) a paru pour la première fois (n° 29, juillet 2008).
Original : Gordon Jarvie. Room for a Rhyme from Time to Time. Harpercroft: 2004.